Jean Guéhenno, Henri Vincenot, Gilles Clément...
Quel est le point de liaison entre des auteurs guettés par l'oubli et d'autres comme Gilles Clément, Pierre Bergounioux ou Patrick Drevet? Si l'on met de côté le fait de racines géographiques et affectives précises pour chacun d'entre eux (Bretagne, Bourgogne, Creuse, Limousin, Jura...), nous pouvons y découvrir des pages très attachantes sur leur chemin vers l'écriture et l'amour des livres. La constitution progressive de leur bibliothèque s'est faite intimement de telle sorte que la rationalité est devenue subsidiaire dans le choix des titres-références. L'intimité de leur expérience unique s'inscrit dans une combinaison toujours en mouvement en surface puis sédimentée en profondeur. Cette sédimentation se solidifie peu à peu dans la mémoire sensible et mentale pour mieux infiltrer leur expérience de l' écriture . Les différents substrats et agglomérats se transmettent ensuite aux nouveaux lecteurs et lectrices, chacun avec leur environnement historique propre.
Autour de ces écrivains, il y a aussi et très souvent des maisons transitoires ou habitées à plus long terme qui conservent la trace de ces expériences. Maisons familiales ou acquises, ou encore louées avant d'être mises en mots, voilà ce qui peut renforcer la rencontre forte et sensible avec une oeuvre. A contrario, le renoncement à l'une de ces maisons peut signifier un souvenir-aiguillon ou une banderille douloureuse qui augmentera notre émotion.
Or, vous l'avez compris, je suis depuis des décennies touché par cette émotion. Je suis extrèmement redevable aux auteurs d'hier comme à ceux d'aujourd'hui d'autant plus qu'ils me donnent encore plus envie d'écrire. Peut-on rêver plus beau partage d'appétit?
rémy des vignes
Fred Bourguignon, poète sur le ciel d'automne
Enfin, voici le moment de renouer avec Fred Bourguignon, poète auteur de "La maison haute" dont j'ai égaré provisoirement le recueil dans ma bibliothèque en pleine réorganisation. Fred Bourguignon a su accrocher son paysage mental et son imaginaire aux Jurandes sur cette petite route qui monte vers la tour magique du chateau du Lot-et-Garonne. Or, il a suffi d'une parenthèse imposée dans mon quotidien pour permettre à la Poste de déposer dans la glycine ce très beau recueil intitulé "L'écriture pour un ciel nu" qui réunit "dix-neuf textes" soutenus par "l'économie intime des trois bois gravés à l'épargne en pleine page comme la vie coutumière"... Ce geste exceptionnel du facteur dans mon village du Poitou répare peu à peu les traces profondes de l'orage qui a grondé longtemps sur la fin d'octobre. Les jours à venir devraient ainsi s'avérer meilleurs, "ce qui justifie le bonheur de l'hiver 1982 à bonaguil". Notez bien dans le travail d'impression de Fred Bourguignon l'absence de majuscule comme un éloge de la simplicité et de la parole poétique enracinée dans sa liberté.
rémy des vignes (dans ses vendanges tardives de novembre 2011)